Sur les hauteurs de La Tour-de-Peilz, une propriété bourgeoise, entourée de ses vignes, domine le lac Léman.
Attesté par les sources depuis le XVIIe siècle, le Domaine de la Doges réunit une maison de maître, des dépendances, un rural et une tour surplombée de créneaux.
Ce lieu est un paradis pour les férus d’histoire. Légué à l’association Patrimoine suisse en 1998, le site est un véritable témoin vivant de l’art de vivre des XVIIIe, XIXe et XXe siècles.
La demeure principale a conservé son mobilier d’origine et les objets faisant partie de la vie quotidienne des familles aisées vaudoises qui y ont vécu, ainsi que d’importantes archives.
Pour prendre soin de cet héritage culturel, classé depuis 2003, l’intendante Bérangère Lepourtois veille au grain depuis les combles de la maison. Historienne de l’art, la trentenaire vit son rêve, dans l’Histoire.
Passionnée par le Domaine de la Doges et les milliers d’objets d’antan qu’elle chérit, elle raconte son rapport à cet endroit extraordinaire où les vestiges du passé nourrissent ses continuelles recherches.
A lire aussi : Le domaine de la Doges, bijou architectural boéland, s’anime tout l’été.
Au Domaine de la Doges, l’intendante Bérangère Lepourtois vit dans l’Histoire
Pouvez-vous vous présenter ?
J’ai 30 ans, je suis intendante au domaine de la Doges depuis presque une année. Je vis au tout dernier étage de la maison avec mon compagnon, Simren Cornut.
J’ai grandi en Valais. Après avoir obtenu mon Bachelor en histoire de l’art à l’Université de Fribourg, j’ai effectué un Master à Lausanne avec une spécialisation en Science historique de la culture.
C’est là que j’ai commencé à avoir une approche pluridisciplinaire de l’histoire de l’art et ça m’a passionné.
Après cela, j’ai complété ma formation avec un Master en études avancées en Conservation du patrimoine et muséologie à Genève.
Comment êtes-vous devenue intendante de ce site classé ?
Mon histoire avec Patrimoine suisse commence en 2018. Je deviens bénévole pour des événements organisés par l’association, et je conduis des visites guidées du domaine de La Doges et des ateliers pour les enfants.
Par la suite, j’ai participé à l’inventaire du mobilier de la maison dans le cadre d’un cours à l’Université. Le résultat de mes recherches a été publié dans l’ouvrage collectif : Le domaine de La Doges au temps des Palézieux dit Falconnet.
En 2020, alors que je suis encore aux études, on me propose le poste de secrétaire de l’association. Cette expérience me permettra de me forger une bonne connaissance du patrimoine vaudois et d’approcher des questions relatives à la restauration du patrimoine bâti.
Trois ans plus tard, le poste d’intendante du domaine de La Doges se libère et je tente ma chance. Les membres du Comité savent que je suis passionnée par ce domaine et le connais très bien. De plus, mon compagnon étant lui-même historien et archiviste, nous formons la paire pour valoriser ce lieu exceptionnel.
Quelle est l’histoire du domaine de la Doges?
Bâtie au XVIIe siècle, la propriété passe de mains en mains et fait l’objet de plusieurs campagnes d’agrandissement, avant d’être achetée en 1821 par la famille de Palezieux dit Falconnet. Quatre générations de cette même famille vont vivre au domaine. Ce sont essentiellement leurs archives, correspondance, testament, livres de comptes, etc., qui sont conservés au domaine.
Les derniers propriétaires, Odette et André Coigny, ont légué le domaine à l’association Patrimoine suisse, section vaudoise, par testament manuscrit. Leur vœu était de “faire de la maison le témoin vivant d’une habitation bourgeoise des siècles passés”.
Cette formulation est importante car c’est ce qui a donné la mission de cet endroit : entre musée et propriété privée, le domaine est visitable.
Qu’est ce qui rend le domaine si extraordinaire ?
C’est en faisant mes premières visites, lorsque j’étais encore étudiante, que m’est venue l’idée de mon sujet de mémoire, qui s’intéresse à la place des domestiques dans l’architecture bourgeoise romande entre le XVIIIe et le XXe siècle.
A la Doges, on apprend beaucoup sur les relations entre maîtres et domestiques.
La particularité de cette maison, c’est notamment d’avoir préservé le pavillon des domestiques, dépendance ajoutée au milieu du XVIIIe siècle à la maison de maître. La cuisine retrace 300 ans d’histoire et une chambre de bonne est aménagée sous les toits.
On trouve aussi plusieurs dispositifs qui montrent la cohabitation entre deux classes qui sont interdépendantes mais qui ne doivent jamais vraiment se rencontrer, comme le tableau d’appel ou l’escalier de service. C’est une certaine approche du sujet, alors qu’il y a un manque de sources directes provenant de la domesticité.
Quand je conduis les visiter de la maison, je prends ces éléments pour fil rouge, aux côtés des objets qui racontent leur histoire d’une pièce à l’autre.
Aujourd’hui, j’habite dans les combles de la maison, où se trouvaient d’anciennes chambres de bonne. Les femmes de chambre qui ont vécu au domaine au XXe siècle ont laissé leur signature sur une porte d’armoire. C’est pour moi très émouvant de vivre ici, quasiment dans mon sujet d’étude.
Quand accueillez-vous le public ?
Avec mon compagnon, nous conduisons trois visites gratuites tous les derniers samedis du mois, lors des portes ouvertes, à 14h, 15h et 16h.
Ces visites ont été mises sur pieds par ma prédécesseuse, l’historienne Jasmina Cornut. Elles continuent d’évoluer au fil de nos recherches dans les archives du domaine. Il y a aussi de nombreuses visites privées.
De plus, nous organisons une dizaine d’événements par an. Des concerts dans le grand salon, la grange ou les jardins, avec des musiciens de la région, ainsi qu’un spectacle pour les enfants une fois par an.
Chaque premier août, il y a un événement, c’est devenu une tradition. Cette année, ce sera une garden party sous forme d’un pique-nique.
Pour tout savoir sur la Doges, rensez-vous sur le site de l’association Patrimoine suisse.